Sur

les épidémies et comment elles ont marqué l’histoire,

les Cahiers de Science & Vie viennent de publier un numéro intéressant qui est une bonne introduction au sujet (n°170, juillet 2017).

On y apprend entre autres que nous avons vraiment oublié comment les épidémies ont marqué la vie de nos ancêtres et continuent à marquer celle de nos voisins :

  • Au 19e siècle la tuberculose représente la moitié des décès chez les adultes ! À l’heure actuelle 2,4 milliard de personnes sont infectées, soit un tiers de la population mondiale !
  • Au 18e siècle la variole touche 8 Européens sur dix !
  • En 1918-19, la grippe Espagnole aurait fait 50 millions de morts, soit nettement plus que la Première Guerre Mondiale. encore qu’il ne faut pas oublier que les morts  de cette guerre sont concentrés en Europe et aux USA, quand la grippe est mondiale.

PS : Cette grippe dite espagnole serait, peut-être, d’origine états-unienne.

On y trouve aussi une note qui rappellera des polémiques récentes, montrant que la défense des intérêts économiques passe facilement avant la vie des gens à (presque) toute époque:

« Nous attendrons que la transmissibilité de la tuberculose ait été démontrée car cela nous conduirait à des conséquences pratiques et économiques d’une gravité extrême« , écrit en 1873  Jean Raynal, directeur de l’école vétérinaire d’Alfort. Son avis pèse : le lait de vache tuberculeuse reste autorisé à la vente !

Il y a quand même quelques raccourcis dans certains articles :

La liaison entre des épidémies qui sévissent vers 150 ou 250 dans l’empire romain et la chute de Rome qui s’annonce vraiment vers la fin du IVe siècle demanderait à être plus étayée. Elle ne cadre pas avec les explications données dans le précédent numéro des Cahiers de S&V sur les Invasions Barbares (n°158, janvier 2016).

La pratique des bains ne disparaît pas au début, mais à la fin du Moyen Age. Les bains publics ne sont pas des lieux de prostitution au Moyen Age ; c’est une confusion et une mauvaise interprétation de gravures, comme l’a démontré de manière précise Hans Peter Duerr dans « Nudité & pudeur, le mythe du processus de civilisation », un ouvrage passionnant à plusieurs titres, mais dont seul le premier tome a été traduit en français chez un petit éditeur en 1998. Voir ci-dessous ses commentaires.

Pour illustrer ce sujet par un document ancien, voici un extrait des registres paroissiaux de Mèze (Hérault) en 1630, donnant la liste des Mézois décédés de la Peste. Elle sévit en France à cette époque et on y apprend qu’il existe une infirmerie sur le village en plus de l’hôpital. Elle permettait la mise en quarantaine des malades (à défaut de leur guérison). Mais beaucoup meurent en dehors de cette infirmerie ; je ne sais pas si la ville de Mèze avait instauré une obligation d’y placer les malades. A l’échelon national, les premières mesures efficaces de quarantaine apparaîtront plus tard sous Colbert dans la seconde moitié de ce siècle.

Voici une transcription des premières lignes :

le 18 May 1630 veille de la Pentecoste Il

a plu a Dieu affliger ceste visle du mal de

la peste dont sont morts ceux qui sensuivent

et enterrés partie en la meterie de Mr

Lenadier partie au dessus du cemetiere

et en diverses (parties) du (terroir) come sera

specifie au jour du deces dun chacun

le 18 may 1630 est mort Bernard Baureile

masson et sa fame Isabeau Bioche de la ?

Sur la peste, un petit ouvrage à destination (entre autres) des généalogistes, très bien fait : Mes ancêtres et la peste de Thierry Sabot aux éditions Thisa.

 

Illustration : cette gravure montre ce qui est souvent présenté comme un établissement de bain public au Moyen Âge et qui est en réalité un bain-bordel bourguignon vers 1470. Voici les explications de Hans Peter Duerr (en opposition à celles de Norbert Elias sur le même sujet) : Examinons donc la miniature d’un peu plus près. Déjà le fait que la main d’un des baigneurs ait atteint l’objet de son désir, ou au moins n’en soit plus éloignée que de quelques centimètres, et cela aux yeux de tous, aurait dû faire naître chez un interprète comme Elias le soupçon qu’il ne s’agit pas d’un établissement de bains ordinaire. Le soupçon se précise quand on remarque, dans la chambre à gauche, le couple sur le point d’accomplir ce qui n’est que préparé dans les baignoires. Après le prologue, l’action principale, comme l’indique la présence d’un lit derrière les deux personnages. Dans un établissement de bains du Moyen Âge, on admettrait encore la présence d’un simple lit de repos – mais d’un lit de plumes ?

A la vérité, la présomption se transforme en quasi-certitude quand on considère les deux hommes habillés qui se tiennent à l’arrière-plan : un dignitaire ecclésiastique semble en effet faire découvrir à un prince, qui regarde à l’intérieur et parait quelque peu déconcerté, ce qui se passe soir après soir dans certains établissements du duché.

La suite dans le livre cité plus haut…